L’art de dompter la matière !
Nathanël LE BERRE : sculpteur-dinandier
Lauréat du Prix Liliane BETTENCOURT, Nathanaël LE BERRE est un artiste libre qui modélise son art au gré de ses ressentis.
Se définissant lui-même comme un sculpteur, il intègre à son travail les savoir-faire du métier de dinandier. Un métier rare datant de l’époque du Moyen-Âge qui consiste à transformer des feuilles de métal en objet décoratif ou utilitaire via un travail manuel de martelage.
Un savoir-faire ancestral que je suis allée découvrir aux portes de Paris, à Aubervilliers exactement où se situe l’atelier de l’artiste.
Nathanaël pour commencer j’aimerais que tu nous parles de ton parcours. Qu’est-ce qui t’a amené à exercer aujourd’hui ce métier de sculpteur-dinandier.
Depuis tout petit je baigne dans un environnement artistique. Mon grand-père était architecte aux Monuments Historiques ainsi que calligraphe. Mon père, lui, était passionné de lutherie et de reliure. Quant à ma mère elle avait une réelle sensibilité artistique. C’est elle qui m’a transmis l’amour pour le dessin.
Ayant grandi dans un environnement créatif tel que celui-ci, il était pour moi évident de m’orienter vers cet univers. J’ai donc intégré à 18 ans l’École des Beaux-Arts de Dijon.
Là, je me suis confronté à un enseignement beaucoup trop académique et conceptuel à mon goût. Moi, qui avais déjà une attirance pour tout ce qui était lié à la construction, à la fabrication et au travail de la matière.
C’est lors d’une journée Portes Ouvertes à l’Atelier du Métal, que j’ai eu le déclic. J’ai découvert le savoir-faire de dinandier et cette approche du travail des métaux en feuilles.
Je dois d’ailleurs avouer qu’au début j’ai eu du mal à comprendre cette pratique. Marteler une feuille de métal pendant des heures afin d’en faire ressortir des volumes…
Puis, la fascination pour ce savoir-faire a pris le pas sur mes 1er ressentis. C’est là que j’ai compris que c’était ce que je souhaitais faire. J’ai donc rejoint les bancs de l’École Olivier de Serres à Paris où j’ai préparé un diplôme aux métiers d’art (DMA) – option métal. Puis à la fin de mes études, une rencontre décisive dans ma vie a eu lieu : celle avec le sculpteur-dinandier français Hervé WAHLEN.
En quoi cette rencontre a-t-elle était si importante pour toi ?
Membre du jury lors de ma soutenance de fin d’études, il a repéré mon travail et m’a offert de travailler à ses côtés sur ses œuvres. Proposition que j’ai évidemment acceptée !
En parallèle, je continuais à travailler comme dessinateur en ferronnerie d’art. Je travaillais pour les Ateliers Bataillard ainsi que pour les Etains « La Licorne » où je concevais des pièces d’orfèvrerie pour de grandes maisons de l’univers du luxe.
Aux côtés de cet artiste j’ai appris la rigueur du métier tout en perfectionnant mon apprentissage de la matière.
Puis en 2004, il a quitté son atelier de Montreuil et m’a proposé de reprendre seul le lieu (héritant au passage des outils présents ayant appartenus à René Gabriel LACROIX – célèbre dinandier reconnu pour ses œuvres animalières).
Un héritage fort symboliquement, tel un passage de flambeau afin de faire perdurer ce savoir-faire. Un moment clé dans ma démarche artistique.
Evoluant cette fois-ci en solitaire, j’ai réussi à lâcher prise sur la technique pure. J’ai enfin pu exprimer mes envies artistiques profondes afin de créer mon propre style.
Justement comment définirais-tu ton style ?
J’aborde mes créations comme des sculptures traditionnelles si l’on peut dire, auxquelles je vais apporter les techniques de la dinanderie.
Je conçois des pièces aux formes à la fois originales et exigeantes. Je suis fasciné par le fait de développer de l’espace en volume en partant de ces grandes feuilles de métal. Des pièces où l’on ne voit ni coupures, ni soudures, que je fabrique à partir de feuilles de laiton et de cuivre.
Qu’il s’agisse de pièces purement décoratives ou bien plus fonctionnelles, telles que des luminaires, je propose une approche créative contemporaine.
C’est au grés de mes rencontres artistiques avec des designers et galeristes que j’ai pu découvrir l’univers de la décoration d’intérieur haut de gamme. Une découverte qui m’a mené à aller explorer des voies nouvelles dans ma recherche artistique.
D’ailleurs ma rencontre avec la galeriste, Michèle HAYEM, a été un réel souffle de renouveau sur mon travail. En effet, Michèle m’a encouragé à concevoir des pièces plus volumineuses et fonctionnelles. Je suis donc passé de pièces aux formes épurées, à des pièces d’un style nouveau présentant plus d’ornementations.
Cela a été pour moi une façon de m’ouvrir à autre chose. En 2015, à sa demande je conçois la console « La vague d’encre » qui sera suivie par d’autres pièces dites « fonctionnelles ».
Un 1er pas vers le grand public que je vais pousser plus loin en présentant mon travail à divers concours. Tout d’abord le Grand Prix de la ville de Paris puis celui du Prix BETTENCOURT pour l’Intelligence de la Main. Prix dont je serai distingué dans la catégorie « Talent d’exception », lors de ma 3ème tentative.
On peut dire que ta persévérance à payer ! En quoi consiste ce Prix ?
Le Prix Liliane BETTENCOURT pour l’Intelligence de la Main est une référence au niveau des métiers d’art. Créé par la Fondation BETTENCOURT SCHUELLER, sa volonté est de révéler l’incroyable diversité des métiers d’art français.
Se voir décerné un prix dans la catégorie « Talents d’exception » signifie que l’œuvre présentée démontre, la parfaite maîtrise des techniques et savoir-faire du métier d’art concerné. Le tout en ayant un caractère innovant. C’est une récompense qui représente un réel label d’excellence des métiers d’art français.
Après des années de travail sur ma création ainsi que sur ma façon de promouvoir celle-ci auprès d’un jury, c’est en 2014 que je remporte ce prix avec ma pièce « L’infini ».
Grâce à ce prix j’ai été sélectionné pour participer à l’exposition Wonderlab au Musée National de Tokyo au Japon. Une expérience humaine incroyable réunissant 15 Maîtres et artisans d’art d’exception français.
L’objectif était de présenter dans ce pays si riche de savoir-faire et si respectueux des traditions, la diversité de nos métiers d’art français.
Une expérience marquante qui m’a permis de présenter avec fierté mon métier atypique de sculpteur-dinandier.
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Envie d’en apprendre plus sur l’art de la dinanderie? C’est par ici !
Crédits photos :
©Nathanaël LE BERRE
©HOMO FABER
©Fondation BETTENCOURT SCHUELLER
©Antony GUERRA
©Eric CHENAL
©François WAVRE & © Michelangelo Foundation
©Sophie ZÉNON
A propos – Fondation BETTENCOURT SCHUELLER :
Créée en 1987, la Fondation a pour leitmotiv de « donner des ailes aux talents ». Concrètement elle recherche, choisit, accompagne et valorise des femmes et des hommes de talent qui contribuent à la préservation ainsi qu’au développement de ces trois domaines : les sciences de la vie, les arts et la solidarité.